LES ARRONDIS EN CAISSE
OU LA ” FAIM ” NE JUSTIFIE PAS LES MOYENS
LES ARRONDIS EN CAISSE : BIEN CHOISIR SON ASSOS
Récemment, je suis allée dans un magasin de déco intérieure pour acheter un plaid. Arrivée à la caisse, au moment de payer avec ma CB, la vendeuse m’informe que j’ai la possibilité d’arrondir la somme pour une association qui replante des arbres en Indonésie.
Et là, j’ai tiqué grave. Attends, attends… Que je remette tout en ordre dans ma tête, y’ a un truc qui m’échappe. MDR.
Avec le sourire, j’en ai même fait part à une cliente qui me suivait. “Le mieux est de ne pas vendre de bois exotique et pour nous de ne pas en acheter”. Et là tout est clair et cohérent. C’est juste du bon sens. Même si la démarche est sûrement sincère au bout de la chaîne (vendeur et client compris), cela fait un peu foutage de gueule !
D’un côté, j’ai une enseigne qui vend des meubles en bois exotique. De l’autre, ladite enseigne collecte des fonds pour aider une assos à replanter des arbres en Indonésie.
Mais attends, le pire c’est que ladite enseigne ne met aucune traçabilité sur ses meubles en vente. L’essence du bois est bien précisée mais NADA sur sa provenance. C’est le pompon ! Il y a bien des trous dans les mailles du filet !
L’expression de jeter le bébé avec l’eau du bain prend ici toute sa signification. La com passe mal. Du vite fait, sans prendre la peine de bien communiquer à ce sujet. Zéro pointé.
Qu’on se le dise, la reforestation ne permet pas de restaurer les écosystèmes détruits lors des abattages. Et ce que nous abattons est définitivement perdu. La reforestation permet juste de limiter la casse.
QUID SUR LA DÉFORESTATION INDONÉSIENNE
Alors j’ai voulu en savoir plus sur la déforestation en Indonésie. Ce pays a perdu 26 millions d’hectares de sa forêt primaire (la 3ème au niveau mondial) selon les chiffres officiels. La raison majeure est la production massive d’huile de palme, représentant 58% de la production mondiale. Et pour en savoir plus sur le sujet, je vous invite à lire cette page.
Au passage, à quand un étiquetage sur les produits alimentaires qui indiquerait “avec huile de palme” ? Ainsi nous aurions le choix éclairé en tant que consommateur. Parce que c’est nous qui faisons le marché. Mais dans les faits, nous sommes la dernière roue du carrosse.
Pour éviter l’hémorragie galopante, la COP26 a imposé des règles. Mais tout le monde ne joue pas le jeu. Concessions et coupes illégales, corruptions, défaut de surveillance, fonds détournés… la routine habituelle quoi ! Attention, tout le monde est responsable de ces triches. France Culture a écrit un papier intéressant sur la déforestation en tenant compte de tous les intervenants et paramètres.
LA SEULE SOLUTION ?
Nous y voilà donc enfin sur les raisons de la reforestation…
Tu vas me dire que les Indonésiens ont la légitimité de leur terre pour bien vivre. Mais là, je vais te dire franchement que l’argument du chantage économique est facile. Un alibi vite trouvé. Mais avons-nous tout étudié sous différentes perspectives ? Sans suivre nos schémas traditionnels que nous savons éculés ?
Un exemple : le Costa Rica. Ce petit pays a fait le pari de faire sa richesse à partir de sa biodiversité. Il tire ses revenus de l’écotourisme. Il s’agit bien d’une volonté politique soutenue aussi par la population largement bien informée. D’ailleurs, pour la troisième année consécutive, le Costa Rica arrive en tête du classement mondial du “Happy Planet Index”.
Mais bon, ça c’est un autre sujet.
PRISE DE CONSCIENCE
Il ne s’agit pas de juger mais de se poser des questions sur nos actions, de remettre en question notre manière de fonctionner. Nous ne vivons plus séparément chacun dans sa bulle. Tout le monde est relié et responsable de ce qui est. Le fameux effet papillon.
Que désirons-nous réellement ?
Parce que nous ne pouvons pas continuer à vivre dans la névrose. De vouloir brûler la planète pour satisfaire tous nos plaisirs égocentrés et nos rendements financiers et dans un même temps vouloir la sauver. Et surtout dire aimer la nature pour y passer ses week-end ou ses vacances !
A moins que tout le monde ne s’en foute. Mais, dans ce cas, soyons honnêtes et ne faisons pas semblant. Et mettre des pansements sur un système qui va inéluctablement droit dans le mur n’est pas la panacée.
LES ARRONDIS EN CAISSE : VERDICT
En conclusion, lorsque les enseignes et autres grosses sociétés arrêteront de nous prendre pour des pigeons, ou des moutons de panurge, j’arrondirais mes passages en caisse. Pour l’instant, je reste un mouton noir. En revanche, je suis encore plus attentive sur mes achats.
D’ailleurs, il y a un autre truc qui me chiffonne sur le principe de cette nouvelle collecte. Ceci pour deux raisons :
LES ARRONDIS EN CAISSE FLATTE L’ÉGO
Les arrondis en caisse nous caressent dans le sens du poil pour faire appel à notre générosité. Cela flatte notre égo et nous donne facilement bonne conscience. Et je vous enjoins à lire l’article sur l’égo pour comprendre ses mécanismes.
Vite fait, bien fait. Généralement, les clients ne s’y opposent pas car, après avoir fait leurs courses, ils ont hâte de partir pour X raisons. Et la faible somme demandée a raison de faire voler en éclat la dernière réticence éventuelle.
Mais ce geste est quasi mécanique voire conditionné. Ce don est fait sans aucune information sérieuse et complète. Nous sommes de parfaits “moldus” pour les stratèges.
LA BONNE CIBLE ?
Ce qui me gêne, ce sont les intermédiaires qui organisent ces arrondis en caisse. Il s’agit bien souvent de grosses enseignes commerciales ou des entreprises de la grande distribution. Je ne parle même pas de l’agro-alimentaire qui joue en sous-couche…
Et parlons thunes. Elles connaissent encore de bonnes progressions au niveau de leur chiffre d’affaires. Bref, cela se compte par tranche de milliards d’euros. D’ailleurs, elles se font très discrètes, nous ne les entendons pas.
Alors que le pouvoir d’achat des Français a fortement chuté depuis quelques années. Le marché du travail est compliqué et l’aide publique se raréfie. De plus en plus de Français ont du mal “à joindre les deux bouts” à la fin du mois.
De surcroît, la loi française a dû imposer l’interdiction de la destruction des produits alimentaires il y a un an. Pour faire avaler la pilule, les sociétés ont droit à une réduction d’impôt.
Alors, je ne vous fais pas un dessin. Perso, je trouve assez malsain que ces boites me demandent un petit geste même pour une assos.
LA ” FAIM ” NE JUSTIFIE PAS LES MOYENS.
Parce que si nous acceptons cet adage, alors tout est permis.
Tout défi a sa solution mais jamais conditionnée.